
Journée organisée par Nathan Pinier Golfier et Yannick Souladié
Les critiques que formule Nietzsche à l’égard de la modernité semblent condamner tout d’un bloc ce qu’elle semble avoir de plus fondamental : un mouvement de fond en faveur de l’égalité. Il est impossible de ne pas voir les attaques répétées qu’il produit à l’encontre, par exemple, de la démocratie, du socialisme, ou encore des mouvements pour l’émancipation des femmes. L’objectif de ce séminaire ne sera pas d’éluder ou de relativiser cette dimension de ses écrits, mais de montrer en quoi elle n’épuise pas sa critique de la modernité.
Comment peut-on alors s’en saisir ?
La pensée de Nietzsche s’inscrit dans une période particulièrement riche d’évènements historiques et de bouleversements économiques, aboutissant à une reconfiguration profonde des sociétés. Il ne peut y échapper et propose donc, sans jamais l’identifier comme tel, une critique du mode de production et d’organisation capitaliste. Ses clefs de lecture sont multiples, mais peuvent être ramenées à une question centrale : comment l’époque agit-elle sur l’organisation psycho-physiologique des individus ? Plusieurs approches de ce problème se nourrissent les unes des autres.
D’abord, l’étude du « moment nihiliste » que traversent les sociétés. À savoir, la perte d’influence de la religion chrétienne comme médiation au monde, sans qu’un nouveau « grand récit » prenne encore la suite. Ensuite, une analyse généalogique des « idées modernes » que sont par exemple, la foi dans le progrès de l’Histoire, de la science (qui sont à ressaisir dans une histoire de notre rapport à la raison) ; ou dans des idéaux comme ceux de justice, de liberté et d’égalité, qui sont pour Nietzsche enfantés par la nouvelle organisation socio-économique. En conséquence de quoi, par exemple, sa critique du socialisme ne peut être séparée de sa critique du libéralisme, en tant qu’ils sont tous les deux les produits des configurations pulsionnelles modernes.
Ainsi, cela permet à Nietzsche de produire une analyse critique du rapport des individus modernes au temps (caractérisé par l’accélération des sociétés), à la suite de quoi il construit une critique de l’organisation moderne du travail (et de ses finalités) ainsi que de son pendant : les loisirs. Cela lui permet aussi de produire une critique par anticipation des nationalismes et effets de masse qu’il voit déjà poindre. Enfin, et c’est une dimension encore sous-exploitée de son oeuvre, la critique nietzschéenne de la modernité fait apparaître les problèmes de nos rapports à la nature. Que ceux-ci soient conditionnés par le mode de production industriel, l’hubris moderne, la perte généralisée de sens du monde ou l’urbanisation croissante. Or, ces rapports
témoignent d’une certaine représentation du monde et de l’être humain en ce qu’il y occupe une place déterminée par ces mêmes rapports. Nietzsche le pressent, le rapport à notre environnement tel qu’il se configure à cette époque conditionnera le devenir d’une culture en crise : nous n’en sommes pas sortis. Ses éléments d’analyse et les solutions qu’il propose, sur ce sujet comme sur tous les autres, peuvent nous y aider.
Programme
Matinée (modération Yannick Souladié)
9h45 Accueil et mot d’ouverture
10h
Nathan Pinier Golfier (UT2J/ Erraphis) : Modernité et sentiment(s) de la nature
10h45
Scarlett Marton (Université São Paulo) : Modernité et décadence. Wagner et la culture philistine
11h30 Pause-café
11h45
Fabien Jégoudez (CNRS) : Nietzsche et la question de l’Université
12h30 Déjeuner
Après-midi (modération Nathan Pinier Golfier)
14h
Yannick Souladié (Item – CNRS/ENS) : Sommes-nous assez modernes ? Nietzsche et la critique de la modernité scientifique
14h45
David Simonin (Item – CNRS/ENS) : Les illusions de la modernité
15h30 Pause
15h45
Marc de Launay (ENS/ Archives Husserl) : Les préjugés de la critique
Il sera possible de suivre les interventions en visoconférence. Il faudra pour cela nous demander le lien à l’adresse suivante: nathan.pinier@univ-tlse2.fr Celui-ci vous sera envoyé la veille de l’événement.
